“Les orthodontistes devraient voir leurs patients avec les yeux d'un parodontiste”
23 mars 2022
Selon le Dr Jean-Marc Dersot, le contrôle de la plaque dentaire est un facteur crucial, mais souvent négligé, de la réussite d'un traitement orthodontique. Le Dr Dersot a été président de la Société française de parodontologie et d'implantologie orale, mais son sujet de prédilection reste la relation entre l'orthodontie et la parodontologie, et sa production sur le sujet en tant que chercheur est prolifique. "Pour éviter les effets secondaires, les orthodontistes doivent préserver le tissu parodontal", souligne-t-il.
Dr Dersot, où se posent généralement les problèmes lors d'un traitement orthodontique?
Pendant plusieurs décennies, les orthodontistes et les parodontistes ont affirmé que le traitement orthodontique n’entraînait aucune conséquence néfaste sur un parodonte sain. Cependant, une revue systématique de la littérature a mis à mal ce refrain commun et a conclu que, même lorsque les conditions parodontales sont optimales, de légers effets néfastes peuvent être observés. Selon cette analyse, 12 études, dont 11 non randomisées, ont montré une récession gingivale de 0,03 mm, une perte osseuse de 0,13 mm et une profondeur de poche de 0,23 mm au minimum. Les conclusions de cette méta-analyse sont claires : il n'existe aucune preuve fiable des avantages d'un traitement orthodontique pour la santé parodontale et, dans le meilleur des cas, il faut s'attendre à des effets légèrement négatifs.
Que doivent faire les orthodontistes pour éviter les problèmes?
Afin de minimiser les effets secondaires du traitement orthodontique sur le parodonte, les orthodontistes doivent pouvoir faire la distinction entre les patients auxquels ils peuvent immédiatement proposer un traitement orthodontique et ceux qui ont besoin d'un traitement parodontal en premier lieu. Avant de commencer le traitement, les orthodontistes devraient voir leurs patients avec les yeux d'un parodontiste.
Tout d'abord, tous les orthodontistes devraient être capables de reconnaître les huit signes de la parodontite : saignements gingivaux, douleur et sensibilité, abcès et suppuration, récession gingivale, mobilité des dents, migrations secondaires, impaction alimentaire et mauvaise haleine.
Deuxièmement, les orthodontistes doivent connaître les six facteurs de risque de la parodontite : des antécédents familiaux de parodontite, une réaction négative au stress psychologique, la consommation de tabac, la susceptibilité aux infections, une cario-résistance partielle ou totale et des antécédents de gingivite ulcéreuse nécrosante aiguë.
Si l'un de ces signes ou facteurs de risque est présent, l'orthodontiste doit envoyer le patient chez le parodontiste avant tout autre traitement afin d'éviter d'autres problèmes. L'intégration des préoccupations parodontales dans l'orthodontie est essentielle, et la présence d'hygiénistes dans les cliniques d'orthodontie est une aide précieuse.
Qu'en est-il de la récession gingivale?
L'étiologie de la récession gingivale est multiple, mais une cause est évidente : le manque d'os dû à une déhiscence ou à une fenestration. Plusieurs articles sur des crânes secs modernes concluent que la déhiscence osseuse et les récessions qui en résultent sont présentes physiologiquement.
Un manque d'os peut également devenir un problème au cours du traitement. L'une des tendances actuelles en orthodontie est l'absence d'extractions, ce qui signifie également qu'il y a des limites au mouvement buccal des dents. Lorsqu'une partie de la racine se trouve en dehors du corridor osseux - même si les gencives sont à un niveau normal - l'orthodontiste a créé un site à risque pour la récession gingivale.
La grande majorité de la récession se produit au niveau des dents mandibulaires antérieures, et dans la zone symphysaire ou l'os est très fin. J'imagine donc qu'il est parfois difficile de contrôler parfaitement l'angulation des dents mandibulaires antérieures et la position des racines dans le couloir osseux.
Quel est donc le rôle du contrôle de la plaque dentaire?
Un parodonte sain est une condition préalable au début d'un traitement orthodontique. C'est principalement grâce au tissu parodontal et, plus particulièrement, au ligament parodontal que l'orthodontiste peut déplacer les dents. Cependant, l'inflammation gingivale avec une forte hyperplasie, la perte d'attache parodontale, la perte osseuse et la résorption radiculaire peuvent entraîner une réduction du soutien parodontal. La clé pour prévenir ces problèmes et minimiser les effets secondaires est le contrôle de la plaque dentaire. L'objectif du contrôle de la plaque est d'éviter ou de stabiliser l'inflammation gingivale après le traitement parodontal et d'éviter ou de minimiser les effets secondaires délétères de l'orthodontie sur le parodonte.
Le défi avant le traitement orthodontique, tant chez les enfants que chez les adultes, est de changer le comportement du patient en ce qui concerne la gestion de la plaque dentaire et de lui inculquer de bonnes habitudes de brossage. L'inflammation due à la plaque dentaire entraîne une récession gingivale en cas de déhiscence osseuse. En outre, une technique de brossage trop énergique peut créer des microplaies susceptibles de provoquer une récession. Pour ces raisons, un contrôle efficace et atraumatique de la plaque dentaire est un facteur clé de la réussite de l'orthodontie.
Quel type de brosse les professionnels dentaires devraient-ils recommander à leurs patients?
Les appareils orthodontiques fixes facilitent l'accumulation de la plaque dentaire et rendent son élimination plus difficile. Actuellement, il existe suffisamment de preuves de l'efficacité des brosses à dents soniques et de leur supériorité par rapport au brossage manuel. Les brosses soniques sont particulièrement efficaces, tout en étant atraumatiques et douces pour les dents et les gencives. Une tête de brosse petite et maniable est importante pour éliminer la plaque entre les brackets.